Crise financière: les effets pervers de la juste valeur

Publié le par Lartigolle Aurore

Lors de l'adoption de l'IAS 39 par l'Union européenne, nombre de pays (dont la France) avait émis des réserves sérieuses sur l'introduction de la juste valeur, craignant des effets pervers. La crise actuelle leur a donné raison.
 

La juste valeur n'est pas la cause principale de la crise actuelle, mais en est un facteur aggravant. Nous allons, très simplement, le montrer.


Selon la norme IAS 39, les actifs financiers s'évaluent à la juste valeur dans le cas où ils sont "disponibles à la vente" ou "détenus pour la vente". C'est à la fin de chaque période qu'il sont ainsi évalués sur les bases du marché financier et la variation de juste valeur qui en découle est inscrite directement en capitaux propres (actifs disponibles à la vente) ou au compte de résultat (actifs destinés à la vente). Si seule la seconde catégorie de variations joue sur le résultat de l'entité (et sa performance), toutes deux ont un impact direct ou indirect sur les capitaux propres. Or ceux-ci déterminent le seuil d'endettement acceptable et le niveau de risque de l'entité.


Tant que les cours montent, les résultats s'améliorent et les capitaux propres s'accroissent. Le titre s'apprécie sur le marché et l'entité peut s'endetter sans changer son degré de solvabilité.
Mais, lorsque les cours chutent, une perte de juste valeur (très importante actuellement) est à inclure dans le résultat (actifs destinés à la vente) et donc une forte réduction des capitaux propres. L'entité est alors sur-endettée.

Dans une comptabilité de coûts historiques où le principe de prudence est prioritaire, les variations de juste valeur ne sont comptabilisés que lorsqu'ils sont réalisés. Entre-temps, les actifs restent au bilan à leur coût d'acquisition (coût historique). Si aucun gain n'est comptabilisé pendant la hausse des marchés, il n'y a pas non plus à constater de pertes, ni de réduction des capitaux propres.

Prenons un exemple pour illustrer ces incidences et ces différences (par M.Cheveau maître de conférences):

Une entité achète des titres au cours de 100 début N1. Fin N5, leur cours est de 210 mais en N6 il chute à 120.

Selon l'IAS 39 :

Durant la période N1-N5, l'entité constate un écart de juste valeur positif (110 au total) qui accroît ses capitaux propres et peut-être ses résultats (actifs destinés à la vente).
En N6, la chute brutale des cours impose de constater un écart négatif de juste valeur de 90 qui gève ses capitaux propres et peut-être son résultat.

Selon le coût historique :

Les titres sont comptabilisés à 100 en N1 et demeurent à ce coût, même en N6 puisque le cours de bourse reste supérieur au coût d'achat, bien qu'ayant fortement baissé.

Le même phénomène comptable peut aussi concerner les immeubles de rapport, puisque l'IAS 40 laisse le choix entre la méthode du coût et celle de la juste valeur avec inscription des variations en capitaux propres. Avec la baisse actuelle de ce secteur, la douche comptable est encore bien froide, même si elle n'est pas la cause principale de l'écroulement du marché.

Publié dans Actualité de l'audit

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